LIKOUTEI AMARIM: Chapitre 1

Publié le par Alter Rebbe

22 kislev

 

Chapitre 1

 

Likouteï Amarim: chapitre 1

Il existe 3 grandes catégories d'individus: les Tsadikim (Justes), les Réshaïm (méchants) et les Bénonim (les hommes moyens). Le véritable sens de ces qualificatifs n'est pas celui qui est habituellement considéré. Ainsi, le Tsadik n'est pas celui qui a accompli une majorité de bonnes actions tandis que le Racha serait celui qui a accomplit une majorité de mauvaises actions. En réalité, le Rashâ est celui qui s'écarte un tant soit peu de la Volonté de D.ieu. Le Bénoni est celui qui n'accomplit aucune faute.

 

 

תניא בסוף פרק ג׳ דנדה: משביעים אותו

Il est enseigné à la fin du troisième chapitre du traité Nidah : « on fait jurer l’enfant avant sa naissance :

תהי צדיק ואל תהי רשע, ואפילו כל העולם כולו אומרים לך צדיק אתה היה בעיניך כרשע

« Sois un juste et ne sois pas un impie, même si le monde entier (te jugeant par tes actions) te dit que tu es un juste soit à tes yeux comme un impie »

 

[L'âme d'un juif descend dans un corps avec un but - afin d'accomplir une mission spirituelle spécifique en ce monde. Pour lui permettre de l'accomplir un serment merveilleux lui est administrée "soit juste et non méchant" et en conséquence  qu’il se considère lui-même comme méchant et non juste. 

 

La racine (שׁבע) du verbe משׁביעים Mashbiim "un serment est administré" est pratiquement identique à la racine  שׂבע du verbe משׂביעים Masbi-im ("ce qui (le) rend repu »). En conséquence, on peut également comprendre que le serment lui ordonnant d'être juste signifie que l'âme est de ce fait investie - "assouvie" - avec la puissance qui lui permet d'accomplir son destin dans la vie sur terre.]

 

וצריך להבין, דהא תנן אבות פרק ב׳ : ואל תהי רשע בפני עצמך

Cet (enseignement) doit être expliqué car il est enseigné dans la Mishnah au 2ème chapitre du traité Avot (2) : « ne te considères pas comme un impie à tes propres yeux»

 

[Comment donc peut-on dire qu'un serment est administré à l'âme qui se considère elle-même comme méchante, quand ceci contredit directement l'injonction de la Mishna de ne pas se considérer comme méchant ?]  [3] 

 

וגם אם יהיה בעיניו כרשע ירע לבבו ויהיה עצב

De plus, s’il se considère comme un impie, il sera blessé en son coeur et triste,

ולא יוכל לעבוד ה׳ בשמחה ובטוב לבב

et ne pourra pas servir Dieu joyeusement avec un cœur ravi.

 

[En plus de la contradiction précédente de la Mishnah, une question supplémentaire se pose maintenant. Un des principes essentiels du service divin est la joie, la joie du privilège de Le servir, comment est-il possible d’exiger un homme de faire le serment d’être impie à ses yeux alors que les Midot de tristesse et de mélancolie rendent impossible le service divin dans la joie ?]

ואם לא ירע לבבו כלל מזה

Et si son coeur n’est pas blessé de son appréciation personnelle,

[ie. s’il s’est résolu à être un impie sans en être perturbé],

יכול לבוא לידי קלות חס ושלום

une telle attitude est susceptible de le conduire à la légèreté, à Dieu ne plaise.

 

אך הענין

Toutefois, le sujet [sera mieux compris après avoir préalablement définis les termes de justes et d’impie.]

 

כי הנה מצינו בגמרא ה׳ חלוקות: צדיק וטוב לו, צדיק ורע לו

Il est fait mention dans la Guemara (4) de 5 catégories :

1-      un juste qui connait la prospérité צדיק וטוב לו

(Aussi bien matérielle et spirituelle - il ne connait que le bien]

2-      un juste qui souffre צדיק ורע לו [à la fois dans le matériel et le spirituel, spirituellement il n’a pas vaincu tout son mal, et matériellement aussi cela laisse à désirer]  

רשע וטוב לו, רשע ורע לו, ובינוני

3-      un impie qui prospère רשע וטוב לו [dans lequel il y a du bon]

4-       un impie qui souffre רשע ורע לו [spirituellement et matériellement]

5-      un homme intermédiaire : le Beinoni  בינוני

 

ופירשו בגמרא: צדיק וטוב לו — צדיק גמור

La Guemara explique : « Le juste qui prospère est un juste parfait ».

 

[Pour l’homme qui atteint ce niveau, les souffrances physiques, dont la fonction est de laver l’âme des impuretés de la faute, ne sont pas nécessaires, aussi, prospère t-il également sur le plan matériel.]

צדיק ורע לו — צדיק שאינו גמור

Le juste qui souffre est un juste qui n’est pas parfait, צדיק ורע לו — צדיק שאינו גמור

[Aussi connait-il des souffrances matérielles pour nettoyer son âme et la dispenser des souffrances dans le Monde qui Vient]

 

[En conséquence, le Guémara ne se réfère pas à deux Tzaddikim sur le même plan spirituel, l'un qui prospère, tandis que l'autre souffre, mais il parle de deux niveaux distincts de Tzaddikim. La Guémara donc cite seulement deux caractères concernant le Tzaddik - "parfait" et "imparfait" (lit. "complet" ou "incomplet"). Les termes "qui prospère" ou "qui souffre" n'indiquent pas son niveau spirituel: il se borne à décrire son statut matériel.]

 

וברעיא מהימנא פרשת משפטים פירש: צדיק ורע לו — שהרע שבו כפוף לטוב

Dans le Rayah Meemnah (Parashat Mishpatim) (5), il est expliqué que « le Juste qui souffre » est celui dont son mauvais [penchant] est soumis à son bon [penchant]. (6)

 

 

[C’est un tsadik qui conserve toujours des traces de mal mais soumises à sa bonne nature. En conséquence, un «homme qui prospère est une tzaddik dans lequel il y a seulement le bien, car il a totalement transformé la nature de son mal. Selon le Zohar (duquel le Rayah Mehemna est une partie), les expressions  « juste qui prospère » et « juste qui souffre » décrivent également le niveau du Juste en question.

 

Le juste qui prospère est un juste qui n’a plus aucune trace de mal en lui et dont le mal présent en lui a été transformé en bien. Le juste qui souffre est un Juste de niveau moindre qui porte en lui encore quelques traces du mal.

 

Toutefois, nous devons maintenant comprendre pourquoi des titres redonddants sont donnés à chaque niveau de tzaddik: "tzaddik complet" et "tzaddik qui prospère"; "tzaddik incomplet" et "tzaddik qui souffre". Si le "tzadik complet" est le "tzaddik qui prospère "(c'est-à-dire, celui en qui il y a seulement du bien) et le "tzadik incomplet" est le "tzadik qui souffre"(c'est-à-dire, celui qui conserve une trace du mal), alors pourquoi est-il nécessaire de donner à chaque Tzadik deux appellations?


Les explications fournies plus loin (en chap. 10) sont que chaque terme descriptif indique un aspect du service divin du Tzaddik. Les termes "tzadik complet» et «Tsadik incomplet» indiquent le niveau de service de l’âme divine du Tzadik, c'est-à-dire, l’amour du Tsadik pour Dieu, car c'est en vertu de cet amour, qu'il est appelé "Tzadik". Le "Tsadik complet" est celui qui a atteint la perfection dans son amour divin d'une manière de Ahavah Betaanougim ("amours des délices") - l'amour de la réalisation sereine. Le Tzaddik dont Ahavah Betaanougim est encore imparfait est appelé le «Tsadik incomplete (ou imparfait)".


Les termes "Tzadik qui prospère» et «Tzadik qui souffre" indiquent le statut du Tsadik vis-à-vis de ses efforts dans la transformation de son âme animale vers la sainteté. Car le Tzadik, par l'intermédiaire de son service noble de Ahavah Betaanougim, transforme le mal en lui dans la sainteté et le bien. La dénomination "Tzadik qui prospère" indique qu'il a déjà totalement transformé le mal en lui et maintenant seul le bien reste, alors que le "Tzaddik qui souffre» est celui qui n'a pas encore réussi à transformer le mal en lui en bien, un reste de celui-ci demeure.


Les explications qui suivent rendent très clair le fait que le mal concerné ici n'est rien de plus qu'un mal amorphe encore abrité dans le coeur du «Tsadik incomplet". Car le Tzadik n'a aucun lien avec la réalité du mal qui se manifeste dans la pensée ou la parole, et certainement pas avec le mal qui trouve son expression dans les actions.]

 

 

ובגמרא סוף פרק ט׳ דברכות: צדיקים יצר טוב שופטן כו׳, רשעים יצר הרע שופטן

Dans la Guemara, [fin du dernier chapitre du traité Brakhot (7)], [il est dit] que les Justes sont jugé – [ie. motivés et gouvernés] - par leur bon penchant [leur bon penchant a le dernier mot]. Les impies sont jugés [i.e. motivés et gouvernés] par leur mauvais penchant [leur mauvais penchant a le dernier mot].  

 

בינונים זה וזה שופטן וכו׳

Les Beynonim sont jugés [gouvernés] par les deux [leur bon et leur mauvais penchant.] (8)

 

אמר רבה: כגון אנא בינוני. אמר ליה אביי: לא שביק מר חיי לכל בריה וכו׳

Raba a déclaré : « Moi par exemple je suis un Bénoni.». 

Abayé lui a répondu : « Maitre, tu ne laisses à aucune créature la possibilité de vivre. »

 

[Abbaye a discuté ainsi:”si tu es un Beinoni, alors tout ceux d’un niveau plus bas que toi entrent dans la catégorie de l’impie, ceux concernant lesquels nos Sages ont dit: [9]  « le méchant, de son vivant, est considéré comme mort. » En se qualifiant de Beinoni il rend ainsi impossible pour que quiconque de vivre."] 

 

ולהבין כל זה באר היטב

Pour comprendre tout ce qui précède clairement [une explication est nécessaire]

 

[Outre la question qui suivra bientôt - que, selon la conception commune d'un Beinoni comme une personne ayant moitié de mitzvot et moitié de transgressions, comment concevoir qu'un grand sage comme Rabbah fasse l’erreur de se considérer comme un Beinoni - une question supplémentaire en est déduite:

 

Si un Beinoni est simplement une personne ayant une moitié de mitzvot et une moitié de transgressions, sa situation est facilement identifiable, et il n'y a pas de place pour le débat.]

 

וגם להבין מה שאמר איוב בבא בתרא פרק א׳ : רבונו של עולם, בראת צדיקים בראת רשעים כו׳

Ainsi que la déclaration de Job [au premier chapitre du traité Baba batra] (10) : « Maitre du monde Tu as crée les justes, tu as crée les impies ! »

והא צדיק ורשע לא קאמר

 Car Il ne décrète pas qui (devra être) juste et impie ?

 

[La Guemara [11] relate que Dieu décrète quel enfant à naitre sera sage ou idiot, fort ou faible, et ainsi de suite. Cependant, si l'enfant sera juste ou méchant, Dieu ne le dit pas: ceci n'est pas prédéterminé;  plutôt, cela est laissé au libre choix de l'individu.  Comment est-ce que, alors, cela s’accorde-t’il avec la plainte de Job : « Tu as créé les justes, Tu as créé les impies » ?  [12]

 

וגם להבין מהות מדריגת הבינוני

Nous devons également comprendre la nature essentielle (mahout) du niveau de Bénoni,

 [La nature essentielle d’un Tsadik est la droiture, la nature essentielle d’un impie est le mal. Quelle est la nature essentielle du beinoni ?]

 

שבודאי אינו מחצה זכיות ומחצה עוונות, שאם כן איך טעה רבה בעצמו לומר שהוא בינוני

il ne s’agit certainement pas d’un homme ayant une moitié de mérite et une moitié de faute car sinon comment Raba aurait pu commettre l’erreur de se considérer comme Bénoni ?

ונודע דלא פסיק פומיה מגירסא, עד שאפילו מלאך המות לא היה יכול לשלוט בו

Alors qu’il est connu que sa bouche ne cessa jamais d’étudier la Torah, si bien que l’Ange de la Mort ne put le dominer. (13)

 

[Telle était la diligence de Rabbah qu’il n’a jamais négligé l’étude  même un instant. Quantitativement aussi son étude était d’un niveau si élevée  que l’ange de la mort ne pouvait le dominer.]

ואיך היה יכול לטעות במחצה עוונות, חס ושלום

Comment aurait-il donc pu commettre l’erreur de considérer la moitié de ses actions comme fautives ?

ועוד, שהרי בשעה שעושה עונות נקרא רשע גמור

De plus, [cette notion d’homme intermédiaire doit être élucidée, car] au moment même où un homme faute jusqu’à ce qu’il se repente, il est considéré comme un véritable impie.

 

ואם אחר כך עשה תשובה נקרא צדיק גמור

S’il commet une faute puis qu’il se repent il sera considéré comme un juste parfait. (14)

 

ואפילו העובר על איסור קל של דברי סופרים מקרי רשע, כדאיתא בפרק ב׳ דיבמות ובפרק קמא דנדה

Même celui qui transgresse un interdit mineur des Sages est appelé « Rashâ - impie » comme cela est expliqué dans le 2ème chapitre du Traité Yebamot (15) et le 1er chap. du traité Nidah. (16)

 

ואפילו מי שיש בידו למחות ולא מיחה נקרא רשע בפרק ו׳ דשבועות

De plus, même celui qui a la possibilité d’avertir son prochain contre la faute mais ne le fait pas est appelé Rasha-impie dans le 6e chap. du traité Shavouot. (17)

 

וכל שכן וקל וחומר במבטל איזו מצות עשה שאפשר לו לקיימה

A fortiori celui qui néglige un précepte positif qu’il aurait pu observer.

 

כמו כל שאפשר לו לעסוק בתורה ואינו עוסק

Par exemple celui qui peut étudier la Torah mais ne le fait pas.

שעליו דרשו רבותינו ז״ל: כי דבר ה׳ בזה וגו׳ הכרת תכרת וגו׳

Au sujet duquel nos Sages, de mémoire bénie, (18) appliquent le verset (19) : « parce qu’il a méprisé la parole de Dieu, la Torah, son âme sera retranché. »

 

ופשיטא דמקרי רשע טפי מעובר איסור דרבנן

Il est certain qu’une telle personne est qualifiée de Rasha ‘impie’ plus que celui qui transgresse un précepte d’ordre rabbinique.

 

ואם כן על כרחך הבינוני אין בו אפילו עון ביטול תורה

Il s’en suit que le Bénoni ne s’est même pas rendu coupable de la faute d’avoir négligé l’étude de la Torah.

 

[Une faute dont il est pourtant difficile de se préserver et qui est comptée parmi les fautes commises quotidiennement.] (20)

 

ומשום הכי טעה רבה בעצמו לומר שהוא בינוני

Aussi Raba commit l’erreur de se considérer comme un Bénoni.

 

[Le Bénoni étant innocent de la faute d’avoir négligé l’étude de la Torah, Raba pu commettre l’erreur de se considérer comme Bénoni. Bien qu’il ait observé tous les commandements et n’ait jamais cessé d’étudier.]

הגהה

ומה שכתוב בזהר חלק ג׳ דף רל״א: כל שממועטין עונותיו וכו׳ —

Notes : quant à ce qui est écrit dans le Zohar 3ème partie partie p.231 :

« Celui dont les fautes sont peu nombreuses [est appellé un juste qui souffre] »

 

[Ce passage semble indiquer que même selon le Zohar la signification de « juste qui souffre » est celle d’un homme ayant commis au moins quelques fautes. Le Bénoni est donc bien un homme ayant une moitié de mérites et une moitié de fautes.]

 

היא שאלת רב המנונא לאליהו

Ceci est la question de Rav Havnounah à Rav Elisha :

אבל לפי תשובת אליהו שם הפי' צדיק ורע לו הוא כמ"ש בר"מ פרשה משפטים דלעיל

 Mais d’aprés la réponse d’Elisha, la définition du juste qui souffre est telle qu’elle est exposée dans le Rayah Méhémna section Mishpatim mentionnée précédemment [21]. A savoir que le juste qui souffre est celui dont la mauvaise nature est soumise à la bonne nature. 

ושבעים פנים לתורה

Et la Torah a 70 facettes, modes d’interprétations. [22]

 

[Le Rebbe note que les mots, "Et la Torah a soixante-dix facettes," nous aident à comprendre la demande de Rav Hamnouna. Il est difficile de comprendre comment Rav Hamnouna soutiendrait même l'idée selon laquelle une "juste qui souffre" est celui qui fait des péchés, dans la mesure où toutes les questions mentionnées ci-dessus nous mènent clairement à penser le contraire. La demande de Rav Hamnouna, cependant, a été motivée uniquement par le fait que "la Torah a soixante-dix facettes", et il pensait que c'était peut-être l'une de ces facettes.]

 

Fin de note

 

Notes: 

1/ Niddah 30b. 

2/ Avot 2:13. 

3/ la contradiction apparente entre les deux rapports est résolue en chapitre 13.  Voir également les chapitres 14, 29 et 34. 

4/ Berachot 7a. 

5/ Zohar II, 117b. 

6/ c'est une interprétation alternative des mots "vera lo" qui peuvent être rendus littéralement en tant que "le mal pour lui";  c.-à-d., il est maître de la nature mauvaise en lui. 

7/ 61b. 

8/ voir le commencement des chapitres, 9 et les chapitres 13. 

9/ Berachot 18b. 

10/ Bava Batra 1a. 

11/ Niddah 16b.

12/ la question trouve réponse dans le chapitre 14 et le chapitre 27. 

13/ voir Bava Metzia 86a.

14/ le Rebbe Shlita note que bien que la Guemara dans Kiddoushin 49b indique seulement que le pécheur repentant est considéré un tzaddik, il est déclaré  explicitement dans Or Zaroua, section 112, qu'il est considéré comme tzaddik gamour.

15/ 20a. 

16/ 12a. 

17/ 39b. 

18/ Sanhedrin 99a. 

19/ Bamidbar 15:31.

20/ voir ci-dessous, fin de ch 25. 

21/ Zohar II, 117b

22/ 'Otiot deRabbi Akiva; comp. Bamidbar Rabbah 14:12.

 

 

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23 kislev

 

[Au début de ce 1er chapitre, RS’Z a relevé plusieurs contradictions apparentes dans les paroles de nos Sages concernant le service divin de l’homme. Pour mieux les comprendre, il est nécessaire de définir préalablement les notions de Tsadik – l’homme juste -  et de Bénoni – l’homme intermédiaire - dont nos Sages font usage. Même le Bénoni, l’homme intermédiaire, est certainement un homme n’ayant commis aucune faute ou s’étant entièrement repenti. Car dés lors qu’un homme commet un faute il est qualifié d’impie.]

 

והא דאמרינן בעלמא דמחצה על מחצה מקרי בינוני ורוב זכיות מקרי צדיק

Quant à ce qu’on dit communément [23] que celui [dont les fautes et les mérites] sont égaux est appelé un Bénoni – un homme intermédiaire -  alors que celui qui a une majorité de mérites est appelé un Tsadik - un Juste-,

הוא שם המושאל

Il ne s’agit là que d’un qualificatif

[ie. un usage figuratif du terme employé à son usage courant pour illustrer une idée particulière. Ainsi les termes Bénoni et Tsadik qui dénotent une balance entre les mérites et les fautes, ne sont que des qualificatif]

לענין שכר ועונש

utilisés relativement à la récompense et à la sanction.

 

לפי שנדון אחר רובו

Car l’homme est jugé suivant la majorité [de ses actes]

ומקרי צדיק בדינו מאחר שזוכה בדין

et est qualifié de juste par référence à son verdict parce qu’il est acquitté dans son jugement.  

 

[C'est seulement dans ce sens légal que le terme de Tzaddik est appliqué à une personne qui fait plus de bonnes actions que de mauvaises.] 

 

אבל לענין אמיתת שם התואר והמעלה של מעלת ומדריגות חלוקות צדיקים ובינונים

Toutefois pour déterminer véritablement les qualités et les rangs des Tsadikim et des Bénonim,

 

אמרו רבותינו ז״ל: צדיקים — יצר טוב שופטן, שנאמר: ולבי חלל בקרבי

nos Sages, de mémoire bénie, ont dit que le juste est jugé (c’est-à-dire dirigé, gouverné) seulement par son bon penchant ainsi qu’il est dit [24] (Tehillim 109:22. voir  ch. 13 pour un commentaire du Rebbe chlita sur ce verset) : « Et mon cœur est vide à l’intérieur de moi  »

שאין לו יצר הרע כי הרגו בתענית

Signifiant qu’il [David, l’auteur de ce verset], était dépourvu de mauvais penchant l’ayant anéanti par le jeûne.

 

[David a extirpé sa mauvaise nature par le jeûne. D’autres moyens sont également possibles.

La Guemara nous montre que ce terme de Tsadik - homme véritable - ne s’applique qu’à l’homme s’étant débarrassé de son mauvais penchant.]

 

אבל כל מי שלא הגיע למדרגה זו, אף שזכיותיו מרובים על עונותיו, אינו במעלת ומדריגת צדיק כלל

Quiconque n’a pas atteint ce niveau - même lorsque ses mérites sont plus nombreux que ses fautes -n’est pas du niveau et du rang de Tsadik.

 

[En effet, non seulement il n'a pas atteint le rang de Tzaddik: mais il n'a pas même encore atteint le niveau de Beinoni, comme cela a été démontré plus haut.]

 

ולכן אמרו רבותינו ז״ל במדרש: ראה הקדוש ברוך הוא בצדיקים שהם מועטים, עמד ושתלן ככל דור ודור

C’est pourquoi nos Sages ont dit [25]  [dans le Midrash Cf. Yoma 38b.]: « HaQadosh Baroukh Hou vit que les justes étaient peu nombreux, Il se leva et les dispersa dans chaque génération. » 

 

וכמו שכתוב: וצדיק יסוד עולם

Ainsi qu’il est dit [26] [Mishlei 10:25] « le Tsadik est le fondement du monde. » 

 

[Il doit donc y avoir en chaque génération un juste qui sert de « fondement au monde ».

Cette rareté des Tsadikim (“les justes sont peu nombreux”) ne peut être expliquée que si le terme Tsadik désigne l’homme s’étant totalement débarrassé de son mauvais penchant. Si le terme Tzaddik désignait celui dont les bonnes actions l'emportent sur les mauvaises, pourquoi alors nos Sages disent que "les justes sont peu nombreux" quand  l'écrasante majorité des Juifs ont plus de bonnes actions que de mauvaises!]

 

אך ביאור הענין

Cependant l’explication du sujet [de sorte que nous comprennions mieux les niveaux du Tzaddik et Beinoni, aussi bien que les diverses gradations à l’intérieur de leurs rangs]

על פי מה שכתב הרב חיים ויטאל ז״ל בשער הקדושה ובע׳ חיים שער נ׳ פרק ב׳

[doit être recherchée] à la lumière de ce qu’a écrit le Ari dans le Shaar haQedousha (et dans Etz ‘hayim Portail 5 chap.2) :

דלכל איש ישראל אחד צדיק ואחד רשע יש שתי נשמות

« Chaque juif, juste ou impie, possède deux âmes.

וכדכתיב: ונשמות אני עשיתי

Ainsi qu’il est dit :[27] « et les Neshamot- les âmes- que j’ai faites »

 

[Bien qu’il ne soit question que d’un seul juif dans ce verset, comme indiqué par la forme singulière du mot Roua’h (esprit) utilisée dans l'expression précédente, « Quand l'esprit d'un homme qui émane de moi sera humilié », la forme plurielle est employée (neshamot les âmes) indiquant que chaque juif possède 2 âmes.]

 

שהן שתי נפשות

Ce sont deux Néfashot [28] (deux âmes et forces vitales).

 

Les notes de Rebbe Shlita:

L’addition des mots, "ceux-ci sont les 2 Néfashot" indique clairement que les deux âmes possédées par chaque juif ne sont pas nécessairement des âmes du niveau de Neshamah, le troisième des cinq niveaux d’âme (à savoir, Nefesh, Roua’h, Neshamah, ‘Hayah et Ye’hidah), parce que ce niveau d’âme n'est pas nécessairement trouvé dans chaque juif, et certainement pas dans son âme animale. Plutôt, ceci se rapporte au niveau d’âme essentiel de Nefesh possédé par chaque juif

 

נפש אחת מצד הקליפה וסטרא אחרא

Une âme (Nefesh) a son origine dans la Qlipa et la Sitra arara.

 

[Le mot Qlipa signifie littéralement une écorce ou peau. Dieu a crée dans ce monde des forces qui voilent la Divinité présente dans l’ensemble de la création comme une pelure qui recouvre et voile un fruit. La Sitra ahara signifie « l’autre côté », le côté de la création qui est l’antithèse de la sainteté et de la  pureté. (Ces 2 termes sont généralement synonymes.)]

 

והיא המתלבשת בדם האדם להחיות הגוף

C’est cette Nefesh [cette âme originaire de la Qlipah et de l’autre côté] qui est revêtue du sang de l’homme donnant vie au corps,

וכדכתיב: כי נפש הבשר בדם היא

Comme il est dit (Vayikra 17:11) [29] « car le Nefesh de la chair (c’est à dire l’âme qui entretient la vitalité corporelle et physique) est dans le sang. »

 

וממנה באות כל המדות רעות מארבעה יסודות רעים שבה

De cette Nefesh proviennent tous les mauvais traits de caractère : qui dérivent des 4 mauvais éléments à l’intérieur de l’âme.

 

[Tout comme les quatre éléments physiques du feu, de l'air, de l'eau et de la terre sont la base de toutes les entités physiques, ainsi aussi ce Nefesh est constitué en quatre éléments spirituels correspondants. Puisqu'ils dérivent de la Qlipah et du mal, ils sont eux-mêmes mauvais, et d'eux à leur tour sont produites les mauvaises caractéristiques.] 

 

דהיינו: כעס וגאוה מיסוד האש שנגבה למעלה

A savoir : La colère et l’orgueil émane de l’élément de feu qui s’élève vers le haut.

 

[Une fois enflammé par la colère et l’orgueil, un homme (comme le feu) s’élève vers le haut. L’orgueil est l'état de se considérer supérieur aux autres. La colère est aussi un dérivé de l’orgueil.
Une personne non orgueilleuse, n’est pas irritée quand quelqu'un va à l’encontre de sa volonté.] 

 

ותאות התענוגים מיסוד המים, כי המים מצמיחים כל מיני תענוג

L’appétit pour le plaisir émane de l’élément d’eau, car l’eau permet la croissance de toutes les sortes de plaisir. 

 

 [La capacité de l'eau de faire grandir des choses agréables indique qu’est caché en elle l'élément du plaisir. Ainsi, l'appétit pour le plaisir dérive de l'élément de l'eau. ] 

 

והוללות וליצנות והתפארות ודברים בטלים מיסוד הרוח

La frivolité et la moquerie, l’orgueil et les paroles futiles émanent de l’élément d’air.

[Comme l'air, ils manquent de substance.]

ועצלות ועצבות מיסוד העפר

Et la paresse et la mélancolie émane de l’élément de terre.

 

[La terre est caractérisée par la lourdeur. Un homme accablé d’indolence et de mélancolie ressent de même une lourdeur des membres.] 

 

וגם מדות טובות שבטבע כל ישראל בתולדותם, כמו רחמנות וגמילות חסדים, באות ממנה

De cette âme sont également issus les bons traits de caractères, inhérents à chaque juif : telles la compassion ou la bonté.

 

[Mais puisque c'est une Nefesh de Qlipah et du mal, comment les bonnes caractéristiques peuvent-elles venir d’elle ? Cette question est désormais abordée.]

 

כי בישראל נפש זו דקליפה היא מקליפת נוגה, שיש בה גם כן טוב

Car pour les Juifs cette âme de la Qlipah dérive de la Qlipah appelée Nogah qui comprend également du bien [et ce bien éveille tous ces traits de caractères positifs].

 

והיא מסוד ע׳ הדעת טוב ורע

Cette [Qlipah] provient de l’ésotérique « Arbre de la Connaissance » [qui comprend] du bien et du mal. [30] Zohar I, 12b.

 

מה שאין כן נפשות אומות העולם הן משאר קליפות טמאות שאין בהן טוב כלל

Néanmoins les âmes des Nations du monde proviennent des Qlipoth impures qui ne contiennent aucun bien. 

כמו שכתוב בע׳ חיים שער מ״ט פרק ג׳: וכל טיבו דעבדין האומות לגרמייהו עבדין

Ainsi qu’il est écrit dans le Ets ‘Hayyim, Porte 49 chapitre 3, que tout le bien accompli par les Nations ne l’est qu’à des fins personnelles ;

 

[Puisque leurs âmes proviennent de Qlipoth où le bien est totalement absent, toutes les bonnes actions accomplies le sont pour des motifs personnels.]

 

וכדאיתא בגמרא על פסוק: וחסד לאומים חטאת — שכל צדקה וחסד שאומות העולם עושין אינן אלא להתייהר כו׳

Comme il est expliqué dans la Guemarah [30] Bava Batra 10b. Au sujet du verset : [31] « la bonté des nations est une faute » Mishlei 14:34. Toute la bonté et les bonnes actions ne le sont que pour leur propre glorification.

 

 [Quand un juif agit d'une façon bienveillante il est motivé principalement par le souci du bien-être de son camarade. La preuve de ceci est que si son camarade n’avait pas besoin de son aide, ceci lui donnerait un plus grand plaisir que la satisfaction dérivée de son acte de bonté. Pour ce qui concerne les nations du monde, cependant, cela n'est pas ainsi.  Leur motivation n'est pas le bien-être de leur camarade; plutôt, elle provient d'un motif égoïste - le désir de glorification personnelle, un sentiment de satisfaction, et semblables. 

 

Il convient noter que parmi les nations du monde il se trouve également des personnes dont les âmes dérivent de la Qlipat nogah [33]  (Voir Sidour Im D'ach, Shaar Chag HaMatzot; Likoutei Biourim (de Rabbi Hillel Malisov de Paritch), 47b.a)  appelées "les pieux des nations du monde", ces justes sont bienveillants, sans motifs égoïstes, mais avec un souci véritable pour leur camarade].

 

Notes :

23 - voir le Rambam, Hilchot Teshuvah 3:1 ; Rashi sur Rosh HaShanah 16b.

24 - Tehillim 109:22. Voir le chapitre 13 pour le commentaire du Rebbe Shlita sur l'interprétation de ce vers.

25 - cf. Yoma 38b.

26 - Mishlei 10:25.

27 - Yeshayahu 57:16.

28 - Le Rebbe Shlita note : « L'addition des mots: « ceux-ci sont les deux Nefashot » indique clairement que les deux âmes possédées par chaque juif ne sont pas nécessairement du niveau d’âme de Neshamah, le troisième niveau parmi les cinq niveaux d'âme (à savoir, Nefesh, Ruach, Neshamah, Chayah et Yechidah), parce que ce niveau d’âme n'est pas nécessairement trouvé dans chaque juif, et certainement pas dans son âme animale. Plutôt, ceci se rapporte au niveau d’âme essentielle du Nefesh possédé par chaque juif ».   

29 - Vayikra 17:11.

30 - voir le Zohar I, 12b.

31 - Bava Batra 10b.

32 - Mishlei 14:34.

33 - voir le Siddur Im D'ach, Shaar Chag HaMatzot ; Likutei Biurim (par Rabbin Hillel Malisov de Paritch), 47b.

 

Publié dans LIKOUTEI AMARIM

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